Brume double (两层雾)
I
Quelle est cette brume d’une gaieté vive
qui glisse et domine à distance, sans exigence ni menace ?
Elle, sacrifiant au diable capricieux qui échoue aux élections,
avoue uniquement quant à son destin que c’est son gène qui le fait hausser.
Cette brume qui n’est pas née pour être au chômage, comme un ermite pour se couper du monde
a besoin d’un point de départ : les onomatopées sont loin d’être pour la douleur.
Patiente mais invisible, elle prend le poste vacant que désignent ses prédécesseurs.
Oui, c’est bien elle, la cryptographe experte que déteste le diable disant :
« Donnez-moi la concrétude pour assurer une survie : les larmes sauvant la métaphore ;
ne suivez pas l’exemple de vos prédécesseurs innombrables qui maquillaient le monde
avec des codes, jusqu’à ce que leur conscience soit obligée de les expulser. »
Quelle brume annule ainsi son corps avant d’oublier son propre nom,
son poste vacant et stable étincelant de mots vides ?
C’est en se dispersant, selon elle, que la ruine peut être dispersée.
II
De quelle tu s’habille-t-elle de paysage brumeux,
celui dont le nez sinueux renifle le chant amer de la trotteuse ?
« Tape le code Morse, pour qu’il salue l’obscur que tu frôles en passant,
sans dissimuler la fausseté du déchiffrage que tu dictes toi-même. »
Tu regardes droit, tu veux accrocher la nuit d’ivresse mais non la traduire.
Tu t’assois comme si une brume soutenait ta taille patiemment.
C’est elle, dont les complices applaudissant t’entraînent dans des pas de danse
qui n’explosent plus, lorsque les mots vides oublient de frissonner ?
Tu es sérieuse maintenant. Les voisins prononcent leur innocence.
Le bout des doigts se lève et redescendra dans le vide mais non pour le code :
cette infidélité embarrasse le diable ; a fortiori s’il s’agit de toi.
« Ce qui se renverse est un caprice gracieux, seule la brume
épuise dans le concret sa coquetterie. Ô moi, après tout, à quelle entrée de la nuit
ai-je veillé en évidence ? pour qui ai-je surveillé la sagesse et la maladie ? »
9 avril 2019, Paris
(traduction de l’auteur relue par Jean Tain)